LA FEMME PARFAITE ? 1/4
Paris – vendredi 5 mars 2006 – 20H30
Sophie
J’ai rendez-vous sur la Butte aux Cailles et je suis un peu retard. Il m’a fallu une paire d’heures pour digérer un déplacement professionnel dans la froideur Mulhousienne et je me suis mis en route sans trop d’entrain.
Pourtant de l’entrain je ne devrais pas en manquer étant donné que j’ai rendez-vous avec la craquante Sophie. Sophie un petit format tout en rondeurs sobres et avec de superbes yeux gris bleus mais sa petite voix et ses histoires un peu banales ne m’enthousiasment guère. Seulement j’ai négocié ce rendez-vous alors je m’y rends et je m’automotive sur le chemin tant et si bien que lorsque je suis arrivé au lieu de rendez-vous je suis quand même un peu nerveux et intimidé.
Après les salutations et banalités d’usage il nous faut déterminer le restaurant et là 1ère surprise : la neutre et a priori conformiste Sophie choisit " Le temps des cerises ", un resto coopératif ou on mange une cuisine familiale correcte mais roborative dans une ambiance de proximité bruyante, enfumée.
Une fois entré dans ce lieu animé je demande une table non-fumeur car ma compagne est patchée. Le serveur nous présente une table à l’écart, dans un coin archi-calme … à coté d’un congélateur. Moue sceptique de Sophie. J’en pense autant et j’ose : " On va avec les fumeurs ? " et là 2ème surprise : un oui franc et massif.
J’interpelle le serveur et je lui dis " Désolé, on a changé d’avis : on vient d’enlever les patchs ". Il sourit. Elle aussi. Et il nous présente 2 places coincées entre 2 couples clopant et en pleine discussion.
La soirée démarre bien.
Elle se poursuit sur un rythme léger malgré la teneur de mon assiette : des joues de porc plus sèches que les testicules de Jésus lorsqu’on l’a descendu de la croix, comme dirait Mel Gibson. On parle de tout et de rien et de fil en aiguille on décide d’aller prendre un verre à coté à " La folie en tête ", un petit bar alternatif surpeuplé les week-ends.
Mais ce soir, tout s’enchaîne à merveille et, à peine entrés, une table pour deux se libère. Miracle. Sophie m’invite et part chercher des boissons au bar.
Elle revient avec une Caipirinha et un Mojito. Elle boit une gorgée du Mojito. Elle le trouve à son goût. " Tu veux le goûter, demande t’elle ? ". " Bien sur " je réponds et j’embrasse furtivement ses lèvres.
Et là patatrac, elle marque un net mouvement de recul et les angelots qui jouaient du fifre violon au dessus de nos têtes depuis le début de la soirée s’arrêtent de jouer de la harpe. Panique à bord !
Le silence s’installe brutalement et là, comme un crétin, je reviens sur ce baiser avorté et je déclare que je suis désolé de l’avoir brusquée et que je ne pensais pas que ce geste innocent aurait tant de conséquences sur l’ambiance de la soirée. Bref je suis pathétique ! Comme elle n’est pas en reste elle me dit, les larmes commençant à perler sur fond gris bleu, qu’elle ne comprend pas pourquoi quand un homme et une femme passent une soirée agréable en toute camaraderie il faut qu’il y ait une tension sexuelle et qu’il faut fatalement qu’un des deux fasse dégénérer ce pur moment de bonheur innocent.
En l’occurrence le trublion c’était moi.
Suite à cette tirade, et toujours aussi troublée, elle ajoute qu’elle sort d’une aventure longue et décevante puis d’une autre brève intense et chaotique et qu’elle n’est pas prête à s’investir de nouveau avec un homme etc etc… puis elle se lève et va essayer les toilettes à la turque. C’est d’ailleurs assez drôle comme coïncidence. J’ai vu quatre fois Sophie et à chaque il y avait soit des toilettes à la turque (comme au Temps des Cerises) ou à l’ukrainienne, style Tchernobyl. Ca doit être un signe quand une relation démarre de la sorte, non ?
A son retour du Bosphore, j’ai les idées plus claires et je suis décidé à reprendre les affaires en main, à faire rejouer le petit orchestre ailé.
Je rassemble donc mes plus belles formules et j’explique à Sophie que le baiser était un acte spontané, que je passais une très agréable soirée avec une femme séduisante et je me suis lancé sans réfléchir. C’était peut-être une erreur mais ce baiser était juste un moment dans le temps. Peut-être n’y aura t’il rien après ce baiser comme peut-être sera ce la première pierre d’un édifice. Demain il sera peut-être déjà oublié, ou non. Il est léger.
Mes paroles doivent paraître sincères, et elles le sont, et elles ont le pouvoir de rassurer et de calmer Sophie. L’atmosphère se détend à nouveau. Un nouveau Mojito et une nouvelle Caïpirinha atterrissent sur les tables. Les conversations sont lestes. Elle me parle de ses soutiens-gorge taille A et moi de la dermato qui m’a déshabillé avant-hier (c’était pour localiser un kyste !).
La cloche de " La Folie en Tête " retentit. Dernière tournée et 2 nouvelles boissons vont alimenter nos bavardages avant la fermeture du troquet.
Le troquet ferme.
Nous marchons vers place d’Italie afin d’attraper un taxi … ou 2 taxis ?
Pendant que je réfléchis à la stratégie qui me permettra de faire diminuer le chiffre d’affaire de Taxi G7, je continue de la faire rire en essayant de lui faire croire que je suis un grand timide.
Arrivé à la station de taxi, je reprends ma respiration. Je lui souhaite de bonnes vacances. Elle en fait de même (elle part skier dimanche et moi je décollerai le même jour en Italie). Je lui dis que j’ai passé une super-soirée.
Elle en fait de même.
Et puis je comble les 40 cm d’altitude qui nous séparent et je l’embrasse franchement.
Elle en fait de même.
…à suivre.
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